les derniers recueils de poèmes que j’ai lus | roy, houellebecq & tsvétaïéva 💌

la poésie étant le genre littéraire que je chéris le plus, mais que malheureusement je ne trouve jamais le temps de présenter, voici finalement trois recueils que j’ai lus récemment ;

• poésies — claude roy

éditions nrf, 1970

c’est ma professeure de lettres qui, sans en dire grand chose, m’a donnée envie d’acheter ce recueil. claude roy est un poète qu’elle chérit tant qu’elle préfère ne pas nous faire étudier ses textes, pour les garder pour elle. ou peut-être ne se sent-elle pas à la hauteur, face à tant de beauté et de simplicité, à décortiquer le poème (ce que je ne pense toutefois pas, elle est trop forte). l’oeuvre de claude roy se résume en effet à cela : elle est simple. les mots sont ceux de tous les jours, il y a peu de fantaisie, d’ambiguité. il semble que l’auteur cherche davantage à nous exprimer ses idées et émotions, plutôt qu’à limer le texte pour qu’il soit le plus esthétique possible. cette modestie littéraire m’a réellement charmée. chaque mot m’a davantage touchée, puisque j’avais l’impression d’entendre des paroles sincères et tout de même travaillées. je conseillerais vivement claude roy, dont l’héritage surréaliste pèse sans prendre toute la place, pour commencer la poésie. la sienne est simple, belle, vivante. mon poème préféré du recueil est « tombeau de paul éluard », par ailleurs un de mes poètes chouchous, que je vous invite à lire en entier, mais en voici un extrait somptueux :

« J’ai vécu comme en rêve et j’ai rêvé ma mort

Je me suis réveillé dans les draps blancs du gel

J’ai cru n’être que là et toujours eu tort

d’être partout sans moi de me perdre au dedans

Ils disent tu es mort Tu me fais vivre encore

m’empêches d’être ailleurs et m’aides à soutenir

d’autres qu’après ma mort je maintiendrai présents »

• poésie — michel houellebecq

éditions j’ai lu, 2010

je suis à la fois sidérée et ébahie face à cette lecture. loin d’aimer cet auteur, dont j’ai fait la rencontre avec extension du domaine de la lutte, que j’ai refermé après deux pages, j’ai découvert, sceptique, sa poésie. je ne le connaissais pas poète, et j’admets être tombée de haut à la lecture d’une plume si belle, chantante, franche, cassante, différente. le recueil mélange des thèmes et structures variés, si bien que peu de poèmes se ressemblent, bien qu’ils forment une unité finale. certains poèmes prennent aux tripes, d’autres choquent, par leur caractère cru. houellebecq ne cherche effectivement pas à séduire le lecteur ; il présente les faits comme ils sont à ses yeux, sans embellissement, sans ménagement. cela m’a déroutée puis plue. la féministe en moi, bien sûr, est insurgée par les remarques archaïques de l’auteur, mais si ces insultes m’ont énervée, je me suis trouvée plusieurs fois face à des poèmes magnifiques et respectueux qui m’ont touchée. je suis sortie de ma zone de confort, et je ne suis pas déçue. pour vous convaincre de faire de même, ou du moins de reconnaître son talent, voici quelques extraits :

« Ton regard, bien-aimée, me portait dans l’espace

Tes yeux étaient si tendres et je n’avais plus peur

Au milieu des courants et des cristaux de glace,

Le doux flot de la joie faisait battre mon coeur.

Au milieu du danger mon âme était sereine

L’homme déchirait l’homme, plein de hargne et de haine

Nous vivions un moment redoutable et cruel

Et le monde attendait une parole nouvelle.

Ton regard, mon amour, me portait dans la foule

Et je n’avais plus peur d’affronter les cyniques

Quelques fois cependant j’avais la chair de poule,

Le mal se propageait comme un choc électrique

Alors je t’appelais, je te disais : « Je t’aime »

Et tu me promettais qu’il y aurait d’autres jours

Au milieu de la mort, de l’orgueil, du blasphème

Si nous pouvions le faire, nous sauverions l’amour. »

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« Je te hais, Jésus-Christ, qui m’as donné un corps

Les amitiés s’effacent, tout s’enfuit, tout va vite,

Les années glissent et passent et rien ne ressuscite,

Je n’ai pas envie de vivre et j’ai peur de la mort. »

ps : pour plus de sensations, écoutez jean-louis aubert, qui met les poèmes de houellebecq en musique.

• le ciel brûle, tentative de jalousie — marina tsvétaïéva

éditions gallimard nrf, 1999

j’ai découvert cette autrice russe dans ma bible, c’est-à-dire l’anthologie de poétesses je serai le feu de diglee, qui la présentait comme une grande consumée. sa biographie m’a particulièrement touchée et intriguée (notamment sa relation avec rilke, un poète allemand que j’aime beaucoup. j’ai donc acheté leur correspondance, qu’il me tarde de lire!!). ses poèmes reflètent sa fuite après la grande guerre, sa vie de mère et ses amours plurielles. bien qu’il s’agisse d’une traduction, son style reste frappant, coupant, puissant. je ne saurais expliquer la force qui émane de recueil, mais je sais qu’il m’a profondément parlée. j’ai eu l’impression, et je l’ai toujours, que l’autrice s’adressait à moi, qu’elle me confrontait, que nous avions une discussion monotone parce que nous partagions les mêmes choses (alors que non, bien sûr, sa fuite et ses malheurs, je ne les ai pas vécus. mais j’ai tout ressenti). je crois avoir lu ce livre au moment où j’en avais besoin. la douleur qui est exprimée me fait sentir vivante.

« Jetés dans la poussière des librairies

(Où personne n’en veut ni n’en n’a voulu)

De mes vers, comme des vins précieux,

Viendra le tour »

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« La main contre l’autre — est audible.

Se séparer — c’est le tonnerre. »

et vous, quels sont les recueils que vous recommandez?

à bientôt,

telma